B. SOUV ARIN E stagnation industrielle, le manque de matières premières, la vétusté de l'outillage, les pénuries alimentaires allaient engendrer le chômage et la misère, donc des troubles sociaux que les « communistes » sauraient exploiter au seul profit de l'impérialisme de Staline. Ils ont donné raison à ceux qui prof essent que l'économique détermine le politique et le spirituel, passant outre aux principes hostiles à l'intervention étatique dans les affaires humaines, et au risque d'encourir le blâme de verser sinon dans le marxisme intégral, du moins dans une sorte de matérialisme histo- • r1que. On a vu mieux en 1950 quand, sous le nom de « plan Schuman », le gouvernement français a proposé de placer la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une haute autorité commune, dans une organisation ouverte aux autres pays. Le préambule du projet indiquait comme objectif essentiel : « Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée. » Toute la presse bien-pensante révéla que le mariage du fer de Lorraine avec le charbon de la Ruhr et de la Sarre dissiperait à jamais les « malentendus » séculaires ayant dressé l'une contre l'autre la France et l'Allemagne. Les plus éminentes personnalités politiques américaines, membres du Congrès, fonctionnaires du State Department, publicistes des grands journaux conservateurs ou libéraux, saluèrent en langage dithyrambique l'initiative française comme digne des plus belles traditions du pays de La Fayette et annonçant la liquidation du vieux contentieux franco-allemand, politique et sentimental. Aucun historien marxiste n'avait jusqu'alors philosophé sur les causes de l'antagonisme France-Allemagne en les situant uniquement dans les productions respectives de houille et d'acier. Actuellement, on appelle « doctrine Eisenhower » la politique extérieure américaine qui consiste à fournir une aide économique aux pays « sous-développés » du Proche-.Orient et du Moyen-Orient dans l'espoir d'y maintenir la paix et rétablir l'ordre. Le fanatisme musulman, le terrorisme arabe, l'impérialisme panarabique, les insurrections nationalistes et les rivalités dynastiques autour de la Méditerranée méridionale -et orientale n'ont, selon la dite «doctrine», d'autre explication que l'état arriéré de l'économie dans ces régions où flotte l'étendard vert de l'Islam. Traduite en terminologie marxiste, la « doctrine Eisenhower » postule que la base économique des pays où s'agitent des clans arabes ou soi-disant tels conditionne les phénomènes de superstructure politique et détermine les processus de conscience nationale ou religieuse qui risquent de dégénérer Biblioteca Gino Bianco 75 en conflits impliquant les grandes puissances. On aimerait connaître les mobiles économiques ayant incité des impérialistes anglais à fonder la Ligue Arabe, ceux qui ont décidé des colonialistes français à enseigner les principes de 89 aux indigènes d'Afrique du Nord et, enfin, ceux qui dictent aux bolchéviks staliniens leur stratégie explosive dans le monde oriental.* LES contempteurs du marxisme qui font du marxisme sans le savoir s'en défendent à l'occasion en déniant aux marxistes le monopole de l'interprétation économique de l'histoire. De fait, Marx a eu des devanciers et des successeurs qui se rattachent à d'autres écoles. Charles Andler, dans sa magistrale Introduction historique et son Commentaire au Manifeste communiste, a discerné plusieurs sources auxquelles les jeunes Marx et Engels de 1848 sont redevables, à commencer par le Manifeste des Égaux babouviste, « prototype de tous les manifestes socialistes >>( 1796), à continuer par Blanqui l' Aîné, puis Blanqui !'Enfermé, et le saint-simonien Bazard. « Il ne sera pas exagéré de dire qu'ils doivent beaucoup à Proudhon, à Frédéric List, à Constantin Pecqueur et à son élève Vidal, à Sismondi et à son élève Buret », soit dit sans leur refuser une « part d'originalité, qui est grande ». Le matérialisme historique, demande Ch. Andler, « qu'est-il sinon la conception de la solidarité complète de la théorie et de la pratique, de la mentalité des hommes et de leur activité? >> Or l'idée directrice apparaît déjà chez les penseurs français nommés, Blanqui l'économiste, Proudhon, Pecqueur, sans que nul leur en fasse grief. Quant à la lutte des classes, « une des plus vieilles de la tradition socialiste », elle a été théorisée par Babeuf, par Blanqui, par la doctrine de SaintSimon bien avant Marx, de même que la « révolution en permanence » est une notion blanquiste. L'anarchiste V. Tcherkezov, dans ses Pages d'histoire socialiste, avait précédé Ch. Andler (qui le cite) dans la recherche des antécédents du mar- • On ne cite ici que trois faits saillants d'histoire toute récente, avec leur interprétation officielle, à titre d'exemples. Quant aux écrits, dans le m~me ordre d'idées, ils foisonnent et rappellent en la renouvelant une formule aussi rebattue des marxistes que c< nous sommes les fils du cheval-vapeur 1i. Dans le Figaro du 5 mai 1957, Thierry Maulnier commence ainsi un article : « Nous ne devrions jamais oublier que la révolution technicienne, qui domine et conduit l'histoire des hommes depuis plus d'un siècle, constitue dans cette histoire un fait nouveau radical, l'irruption dans l'univers humain de données qui n'avaient Jamais eu à figurer auoaravant dans la prévision et le calcul. » Une anthologie de textes de ce genre serait fort instructive, malgré les « depuis plus d'un siècle>>1 s « un fait nouveau radical » et les cc jamais ...auparavant » qui ne résisteraient pas longtemps à une di cussi n érieus .
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