Sovietica RÉVISION DE L'HISTOIRE DU PARTI DANS la société soviétique, l'idéologi~ officielle ne se limite pas à formuler quelques mots · d'ordre, elle englobe le domaine intellectuel tout entier. Pour remplir sa fonction, le Parti ·veut servir de truchement aux diverses disciplines ; non seulement il lui incombe de ·dire aux biologistes ce qu'ils doivent penser de la philosophie -et inversement, il doit aussi maintenir un langage -commun à toute l' « élite » soviétique. A cet égard, -on sait l'influence essentielle exercée pendant quinze années par le Précis d'histoire du Parti -communiste de l'URSS*, et c'est pourquoi, même sans s'intéresser de près aux détours de Ja politique communiste, il importe d'observer l'élaboration du nouveau manuel d'histoire du Parti, promis pour 1957. Cet ouvrage, en effet, donnera des instructions non seulement aux doctrinaires, mais, dans le .monde entier, à tout communiste appelé à travailler .au contact· d'autres forces politiques, notamment -despartis socialistes occidentaux et des mouvements nationalistes de l'Orient. Il détérminera aussi l'ambiance intellectuelle en URSS à un degré difficilem_ent imaginable dans d'autres sociétés. :Pour saisir toute la portée de l'événement, il suffit de rappeler que de 1938 à 1953, l'ancien Précis servit à enseigner l'histoire soviétique non seulement .aux membres du Parti, mais à l'ensemble de la ·population de l'URSS, en particulier à la jeunesse. Il a été traduit dans presque toutes les langues pour endoctriner les communistes et leurs * Éditions en français : Histoire du Parti· communiste (bolchévik) de l'URSS, Précis rédigé par une commission -du Comité central du P. C. (b) de l'URSS, etc. Paris, Bureau d'Éditions, 1939. Réédition, Moscou, Éditions en langues étrangères, 1949. Les communistes ont, urbi"et orbi", .attribué l'ouvrage à Staline, pour obéir aux exigences de -celui-ci. Khrouchtchev, dans son discours « secret» du .xxe Congrès, désormais fameux, a tourné en ridicule la prétention de Staline à cet égard et la servilité de ses zélateurs. Staline n'aurait fourni que les trente pages traitant du « matérialisme dialectique» dans le chapitre IV, et dont il n'est même pas l'auteur : il y a de bonnes raisons de penser qu'elles ont été écrites par M. B. Mitine. Biblioteca Gino Bianco suiveurs dans le monde entier. Son remplacement présente donc un intérêt hors de proportion avec la valeur intrinsèque du livre. Un an après la mort de Staline, le Parti s'efforçait déjà· de faire oublier l'ancien Précis en éditant trois tomes des « Résolutions des Congrès du P. C. » et en attirant l'attention publique sur cette édition. Mais ce n'était là qu'une mesure provisoire, les trois volumes de· textes non commentés pouvant servir à tout, sauf à l'instruction populaire. Au printemps de 1956, le Parti annonça officiellement la publication prochaine d'une nouvelle histoire du P. C. en deux volumes. Au même moment, la revue Questions d' Histoi,re faisait savoir que les auteurs des anciens manuels historiques - tels Iaroslavski, Boubnov, Knorine, Nevski et N. N. Popov, dont les œuvres étaient supprimées depuis les années trente - avaient été injustement calomniés . Le nouvel ouvrage paraîtra-t-il, comme prévu, cette année, la quarantième du régime soviétique ? Quoi qu'il. en soit, l'analyse des études déjà publiées sur la question dans les revues soviétiques permet d'en dégager la tendance générale, ainsi que les principaux thèmes à « révision », classés ci-dessous dans l'ordre chronologique des sujets traités. 1. Les précurseurs du bolchévisme Les réformateurs et les révolutionnaires russes du siècle dernier (Bélinski, Tchernychevski, etc.), considérés jusqu'ici comme les précurseurs directs du léninisme, semblent appelés à perdre une partie de leur importance, la nouvelle orthodoxie ayant re-découvert en Marx et Engels les seuls ancêtres légitimes du communisme soviétique. D'autre part, les premiers marxistes russes « profitent » de ce changement d'orientation, dans la mesure où ils sont demeurés orthodoxes lors de la polé- •
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