- 112 au lointain Yunnan. Là Mao affirma sa suprématie et, avec le concours de Moscou, élimina Tchang Kuo-tso du Parti. Dans le Yunnan, en 1942, Mao lança le mouvement Tcheng-feng pour « corriger les tendances indésirables et erronées». Fondant ses arguments sur des textes « marxistes-léninistes-staliniens » de l'Union soviétique, il attaqua les dogmatistes (qui comptaient sur la · théorie plutôt que sur l'action), les empiristes (qui refusaient de comprendre l'importance de la théorie) 4 et les sectaires (tels que Tchang Kuo-tso qui « mettaient l'individu avant le Parti »). 5 Les responsabilités du membre du Parti furent énoncées avec précision : il ne doit avoir à l'esprit que les intérêts du Parti, à l'exclusion de tout dessein individuel. Comme l'a dit à l'époque Liou Chao-tchi, considéré aujourd'hui comme le chef n ° 2 en Chine : Quand des contradictions surgissent entre l'intérêt du Parti ét celui de l'individu, nous pouvons, sans la moindre l1ésitation ou sentiment de contrainte, nous soumettre aux intérêts du Parti et sacrifier les intérêts individuels ... 6 Le mouvement Tcheng-feng adapta les théories politiques et les techniques de l'URSS aux conditions chinoises. En outre Mao l'utilisa pour procéder à une épuration : un groupe de dirigeants du Parti fut chassé du pouvoir. Enfin, le Tcheng-feng servit d'instrument pour détruire la morale chinoise traditionnelle au profit d'un code de morale et de comportement communistes, sonder le fond même de l'âme humaine afin de « refaçonner » chaque membre du Parti et d'en faire un autre hon1me. L'influence du Tcheng-feng se refléta dans les statuts révisés du parti que rédigea Liou Chao-tchi. Selon le préambule : Le PCC adopte les théories du marxisme-léninisme et les pratiques combinées dérivées de l'expérience de la révolution chinoise - les idées de !vlao Tsé-tou11g - pour principes directeurs de tout son travail. .. 7 Aujourd'hui, comme le révèlent les travaux du huitième congrès, les dirigeants communistes 4. Mao, ~sé-toung, Concerning Practice (Bombay, 1951), note de l' ed1teur. 5. Boyd Compton, Mao's China : Party Reform Documents, 1942-44 (Seattle, University of Washington Press, 1952), p. 24. 6. Ibid., pp. 109-110. 7. Une traduction anglaise des statuts du parti de 1945 a par~ dans Conrad Brandt, Benjamin Schwartz & John K. Fa1rbank, A Documentary History of Chinese Communism (Cambridge, Harvard University Press, 1952), pp. 422-439. BibliotecaGinoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE se préoccupent toujours des techniques du mouvement Tcheng-feng et du « refaçonnage » de la personnalité de leurs partisans. Vers le pouvoir Les événements allèrent vite : dès la fin de 1949, avec l'aide des armes japonaises que leur avaient remises les Soviétiques, les communistes avaient chassé le gouvernement national de Tchang Kaï-chek du continent chinois. Le 1er octobre 1949, Mao proclamait la République populaire de Chine, régie par une constitution provisoire d'après le ·modèle soviétique. 11 admit qu'il s'agissait d'une dictature de l'espèce communiste : « Pour les classes hostiles, dit-il, l'appareil de l'État est un instrument d'oppression. Il est violent et non bienveillant. » Le droit des « réactionnaires » (en fait, de tout opposant) d'exprimer leurs opinions devait être aboli. 8 Telle était l'essence politique de la « nouvelle démocratie». Une nouvelle constitution, approuvée en septembre 1954 et comportant une « loi fondamentale » pour la durée de la transition au socialisme bolchévique, ne fit que confirmer le cours déjà indiqué dans le document • • prov1so1re. L'une des premières entreprises du nouveau régime fut la mise en œuvre de la réforme agraire de Mao. Dans l'essentiel, cette «réforme» - comme celle des Soviets vingt ans plus tôt - était une guerre des classes appliquée aux campagnes et nullement une « solution » économique finale au déséquilibre fondamental entre la sousproductivité et une population en accroissement rapide. La « lutte contre le propriétaire terrien » eut priorité : ses bêtes de trait, son matériel agricole -et ses excédents de grains furent confisqués, ses terres distribuées - du moins provisoirement - aux paysans pauvres. La collectivisation de l'agriculture devait venir plus tard. Un des instruments essentiels pour réaliser la réf orme agraire était le « tribunal du peuple », qui avait le pouvoir d'arrêter et de détenir les citoyens presque à volonté, rendant des sentences qui allaient de la confiscation des biens à la peine capitale. En deux ou trois ans la vie des campagnes fut complètement bouleversée et remodelée selon les règles communistes du contrôle le plus rigide. 9 · 8. Mao Tsé-toung, « On the Dictatorship of the People's Democracy », d'~e traduction anglaise de la New China N~ws Agency [ci-après N. C. N. A.] publiée dans China Digest, vol. VI, No. 7, 13 juillet 1949. 9. C. B., No. 184, 12 juin 1952. Voir aussi Richard L. Walker, « Collectiviz~tion in China :_A ~tory of Betrayal », P~oblems of Communism, No. 1 (Janvier-février), 1956 [ci-après P. C.].
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