Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

' A. G. HORON à l'égard d'étudiants et d'érudits étrangers, de langue, de formation ou de sympathies françaises, qu'il faudrait attirer en France ou vers les sphères d'influence française. A remarquer que le rapide essor de la science américaine depuis une ou deux dizaines d'années - elle est en train d'occuper en Orient bien des domaines traditionnellement français - est dû en bonne partie au libéralisme des États-Unis envers les savants et ·surtout les étudiants étrangers, libéralisme qui fait contraste avec la rigidité administrative des Universités et institutions françaises. Bref, il faudrait une politique d'attraction culturelle - et même d' « immigration » scientifique - comme celle des ÉtatsUnis; il faudrait se rappeler que l'appartenance à la science et à la culture françaises n'est pas simplement affaire de naissance et de passeport; à l'oublier, on risquerait de faire rétrograder la France vers une position de deuxième rang. Mais il n'est pas seulement question de savants, qu'ils soient Français ou de culture française; il est question aussi et suctout des candidats, des jeunes forces - étudiants et chercheurs de tous ordres - qui ne peuvent, dans les conditions du présent, se frayer une voie par leurs propres moyens. Il faudrait donc soutenir les groupes et séminaires - très peu nombreux - qui existent déjà, créer des fondations scientifiques nouvelles et multiplier les bourses d'études et de recherches. 4. Publier, éditer ou rééditer les trésors déjà accumulés, mais peu accessibles, de la préhistoîre et des disciplines apparentées - voilà l'une des tâches les plus urgentes et les plus vastes. Il faut créer les instruments de travail, expositions, collections, laboratoires de recherches et centres de documentation, mais surtout livres, reproductions et atlas qui sont les outils fondamentaux dont l'Allemagne était autrefois le grand pourvoyeur et qui manquent plus que jamais. Pour couronner le tout, on devrait entreprendre la publication d'une encyclopédie de la Préhistoire ; elle ferait sans doute appel à la collaboration étrangère, mais centrée sur !'Eurafrique elle resterait par la conception et l'exécution un monument français. Peut-être faudrait-il avoir l'audace de l'élargir jusqu'aux proportions d'une encyclopédie des Sciences de l'Homme, car ce pourrait être l'un des grands événements intellectuels de notre temps. 5. Rassembler les matériaux, sauver ce qui reste de certaines documentations dispersées par la guerre, préparer les bibliographies spéciales et générales, se procurer les ouvrages étrangers, distribuer les ouvrages français - c'est là une activité inséparable des entreprises proposées. Cela va sans dire, encore qu'il faille ajouter que cette activité n'était pas précisément à la hauteur des besoins dans la France d'avant-guerre. La pauvreté des crédits affectés à l'acquisition de livres et périodiques, notamment aux publications étrangères, l'insuffisance de la documentation dans la plupart des bibliothèques, l'absence de catalogues à jour, la rareté des bibliographies systématiques - BibliotecaGinoBianco 93 tout cela était devenu proverbial et condamnait l'étudiant, le savant, l'auteur français à une position d'infériorité vis-à-vis de l'étranger*. Pour mettre fin à cette situation, il faudrait accorder toute l'attention et les crédits nécessaires à ce côté, humble en apparence, essentiel en pratique, des sciences de l'homme ; il faudrait adopter les méthodes modernes, user largement de la photocopie là où les originaux sont rares, épuisés ou trop dispendieux ; c'est ainsi que procèdent les grandes bibliothèques américaines, à des prix modiques, accessibles aux plus modestes groupes d'études et même aux personnes privées. Il faudrait aussi distribuer plus largement à l'étranger les publications scientifiques françaises, dont un bon nombre, dans notre domaine, sont peu • connues ou inconnues. 6. Découvrir les données nouvelles, décrire les documents imparfaitement connus, c'est la tâche essentielle de l'archéologie préhistorique, qui promet d'être rémunérée, tout particulièrement au Sahara, par des trouvailles d'un très grand intérêt. La France de demain devrait poursuivre systématiquement les recherches déjà amorcées par les Français, les Italiens, les Allemands; il ne faut plus qu'elle se limite au territoire, pourtant vaste, de son domaine africain, car les faits de la préhistoire ignorent nos frontières modernes. Les Anglais et les Américains fouillent partout où ils peuvent ; on ne voit pas pourquoi la France ne ferait pas de même. De l'Atlantique au Levant, il n'y a qu'un seul espace préhistorique, qui ne se laisse pas morceler. Enfin - mais c'est par là qu'on devrait commencer - il serait urgent de : 7. Réunir une Équipe d'initiative capable, dans ce domaine des sciences eurafricaines comme dans les autres, d'inspirer, de lancer le programme d'ensemble correspondant aux six paragraphes précédents. L'équipe, qui ne serait pas très nombreuse, ne devrait pas se composer uniquement de spécialistes ; elle comprendrait un petit noyau d'hommes cultivés, bien au courant des sciences de l'homme, mais également avertis des réalités pratiques de l'heure présente. Cette sorte de gens n'abonde pas, mais on peut en trouver : la sûreté du jugement jointe à l'enthousiasme importe ici plus que le nombre. • Un exemple : Furon avait publié (en 1940) le seul Manuel de Préhistoire générale produit en France dans les années récentes d'avant-guerre ; dans les chapîtres essentiels du Proche-Orient, il était en retard de cinQ à dix ans sur les données les plus accessibles de l'archéologie anglaise et américaine. La situation a-t-elle beaucoup changé depuis? On peut se le demander, en feuilletant en 1954 la 4 édition d'un excellent précis d'anthropologie préhistoriQue, Les Premiers Hommes, par Ber~ounioux et Glory. Cet ouvrag , d'un professeur de l'Institut Catholique de Toulouse et d'un docteur de l'Université de Toulouse, a eu un succès rapide et mérité; mais on a parfois l'impression Qu'à Toulouse on ne se préoccupe pas beaucoup de ce Qui se pass au del de l' AtlantiQue, ou même - et cela est plus grave - par delà la Méditerranée. Est-ce s ulement le manQue d crédits de bibliothèQue qu'il faut blâmer?

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