92 du Survey of Egypt, a été faite en 1938-1939 par un Àllemand, Winkler, formé en Allemagne et soutenu par des institutions allemandes. IL FAUDRAIT un volume pour examiner tous les aspects de ce champ de travail. Les constatations resteraient les mêmes : initiative française fréquente, talents et efforts individuels des Français, mais bien vite distancés par les travaux mieux soutenus, mieux coordonnés . à l'étranger, en Allemagne ou ailleurs. Encore une ou deux illustrations : ce sont les Français qui ont pressenti toute l'importance de la préhistoire «libyenne» - c'est-à-dire nordafricaine et saharienne - aux origines de l'Égypte, et par conséquent aux origines de l'Orient classique. Alexandre Moret a été l'un des premiers à dé-velopper cette thèse. En France, elle a végété. Ce sont les Allemands qui l'ont appuyée sur des recherches précises d'ethnographie, de linguistique, de· préhistoire (on rappellera seulement les noms de Kurt Sethe et d' Alexander Scharff) pendant que les Anglais monopolisaient, ou peu s'en faut, l'archéologie préhistorique en Égypte. . Dans un autre ordre de réalisations, on mentionnera l'Encyclopédie allemande des sciences préhistoriques *, publiée sous la direction d'Ebert, avec une collaboration très riche et compétente, à partir de 1925, en pleine crise d'après-guerre, et pourtant achevée en quelques années. Œuvre monumentale qui écrasait le Manuel désormais vieilli de Déchelette ; œuvre unique et qui pourtant demandait déjà à être remplacée, tant les progrès avaient été rapides dans les dernières années avant 1939. Ce que l'Allemagne vaincue avait fait en 1925, les vainqueurs n'ont pas songé à le faire. Cela va-t-il se répéter? Comment la France retrouvera-t-elle la place qu'elle mérite, qu'elle pourrait et devrait tenir, en tête des sciences préhistoriques eurafricaines ? Comment développer les excellentes initiatives déjà prises, combler les lacunes de la science française · et étrangère, pousser les recherches vers des découvertes nouvelles et enfin coordonner les efforts scientifiques avec les besoins généraux de l'heure présente - besoins de la pensée et de l'action française, méditerranéenne, occidentale? TOUT d'abord, sur le plan des réalisations pratiques et des moyens de travail, il faudrait : 1. Soutenir et doter plus généreusement · les institutions existantes, de date récente, comme le Musée de l'Homme, l'Institut de recherches sahariennes d'Alger, ou l'Institut français de l'Afrique Noire à Dakar; et les plus anciennes, comme la * Reallexikon . der Vorgeschichte. BibliotecaGinoBianco LE CONTRAT SOCIAL Société préhistorique de France, l'École d'anthr~- pologie de Paris, l'Institut de paléontologie humaine, etc. 2. Créer des institutions nouvelles qui, selori les aspects si variés de la question, ,P~issent se p~rtager des missions de recherche prec1ses ou se livrer aux efforts indispensables d'interprétation e-t de synthèse. A titre d'illustration, on suggérera de fonder un Institut eurafricain de l'art préhistorique, I dont il est inutile de souligner la nécessité après ce qui a été dit plus haut ; un Institut (ou au moins un Centre d'études) pour la chronologie de la préhistoire *, qui ,comblerait une la~e très grave dans la science, lacune qui empêche la consolidation du tableau de l'évolution humaine ; une Société de préhistoire (ou d'archéologie préhisto- ? rique) africaine - tout au moins nord-africain~ et saharienne - qui puisse assurer à cette zone s1 importante l'autonomie d'études qu'elle mérite; un Service archéologique eurafricain, capable de coordonner les efforts des archéologies procheorientale, méditerranéenne, africaine et occidentale; enfin une institution, qui pourrait être une section au Musée de l'Homme, appelée à reprendre et à continuer l' œuvre de l'Institut allemand de morphologie culturelle, tâche que les Français pours~- vraient dans l'esprit désirable. Quant au domaine du langage et de ses origines, y compris le problème des langues africaines et chamito-sémitiques, il chevauche sur l'histoire la plus ancienne et sur le présent, en sorte qu'il vaut mieux en parler plus loin. 3. Créer les chaires d'enseignement des matières correspondantes, et inclure cet enseignement dans les programmes universitaires réguliers ; ces derniers, jusqu'ici, ont été conçus d'une façon trop exclusivement classique ; il s'agit maintenant de placer « les humanités » au niveau des connaissances scientifiques modernes et des besoins culturels de l'influence française. 11 s'agit aussi et surtout de susciter et de former une génération de savants et de chercheurs, faute de quoi les sciences françaises de l'homme péricliteront. Une politique intelligente et généreuse est donc à recommander, en particulier * Les nouvelles méthodes physiques de datation, applicables aux matières organiques, perme_ttront de ~eux connaître l'histoire ancienne et _la préh1sto1re, en fac~tant l'établisseJllent d'une chronolo~1e «absolue», aux chi!fres ronds mais bien assurés. Ceux-ci donneront enfin une assiette à la chronologie dite relative, qui jusq:i,i'à présent a trop souffert d'estimations fantaisistes, étriquées et surtout - exagérées. Une méthode particulièrement efficace est celle du Carbone 14, qui a déjà permis de constater que le dernier maximum glaciaire ~e situait aux alentours. de l'an 10.000 avant l'ère c~étu;nne, et . que les premi~res agglomérations a0 ricoles de 1 Orient classique ne remontaient pas au delà du 0 cinquième millénaire. En d'autres terme&, l'âge du renne et l'art des e:ayernes précède~t de quelques millénaires seulement les or1gmes de ce qu il est convenu d'appeler. !'Histoire. D'ailleurs on pouvait déjà s'en douter grâce aux travaux d'un tout autre ordre, relevant de la « géo-chronologie glaciaire», poursuivis par l'école suédoise de De Geer. Il est clair que nous n'en sommes qu'aux débuts de toute une science destinée à renouveler notre compréhension du passé humain. Cette science restera-t-elle l'apanage de Scandinaves et d'Américains? -
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