Le Contrat Social - anno I - n. 2 - maggio 1957

M. COLL/NET la conséquence, ainsi que le caractère frondeur d'une bourgeoisie parvenue par une série de privilèges à être indépendante des deux autres pouvoirs. Cette évolution ne se retrouve pas dans la théocratie byza;:itine où la bourgeoisie, bien que disposant des richesses · d'un grand commerce maritime, . resta soumise au pouvoir impérial. Outre sa structure tripartite, la société médiévale a un élément d'ouverture dans les grandes voies commerciales qui, par les ports d'Italie ou de Rhénanie, débouchent sur le monde extérieur, de même que par ses rapports avec les Arabes, grâce à quoi elle retrouve le contact avec la pensée hellénique, sa philosophie et sa science. Cela montre que cette société, malgré sa volonté de rester statique et de cultiver ce qui la rendait imperméable au temps, finit cependant par se pénétrer d'influences qui la transforment au xve siècle. L'ouverture aux influences extérieures 11'aurait sans doute provoqué que peu d'effets internes - ici s'impose une comparaison avec l'empire byzantin - si à l'intérieur de sa division tripartite, 1 ~s relations féodales n'avaient été marquées d'un caractère personnel où subsistnt l'homme à travers sa ~ituation et qui impliquait finalement un certain droit de résistance du vassal au suzerain ; il s'y ajoutait une fonction royale plus élective que sacré~, ainsi qu'une communauté ari-stocratique, source ultitne de la souveraineté politique. Dans la dissolution de la société médiévale, ces éléments se retrouvent parfois intacts, le plus souvent déformés jusqu'à en devenir la caricature. Ils se cristallisent en institutions ou coutumes frappées de désuftude et périssent dans les grandes secousses révolutionnaires des t~mps modernes. Tel fut par exemple le sort de la noblesse française qui, au fur et à mesure de son inutilité fonctionnelle, se cristallisa en une caste de plus en plus fermée et isolée de la nation, sans rendre de services équivalents à ses privilèges. * )f )f AU xv1e siècle cependant, castes ou sociétés f rmées cr .1quent quand l homme se découvre pionnier d'un monde accessible, aux dimensions de la planète, et théoricien d'un univers infini où s'anéantit la vieille conception égocentrique des sociétés closes. Héritier d'un passé qu'il transcende dans ses manifestations prométhéennes, il redécouvre cette « flèche du temps » que les religions historiques, à travers leurs Églises, avaient abandonnée pour un monde statique. Il n'est problème moderne qui ne se soit posé en termes à peine différents à l'homme de cette époque, celle de la grande « remise en question » du monde et de la société. 11 n'est conflits latents ou sanglants, où se mélangent intérêts et fanatismes, qui ne préludent alors au terrible demi-siècle de notre temps. A travers eux apparaît une notion de l'homme considéré comme extérieur à sa fonction, à sa religion, à sa classe, à son pays, à l'autorité politique. A l'intensité et au nombre de ces BibliotecaGinoBianco 81 problèmes peut se définir une société ouverte où l'activité souvent pleine « de bruit et de fureur » n'envisage que les possibles et ignore les tabous. L'homme y a l'impression de forger son destin dans la mesure de sa réussite personnelle ou d'y être enseveli sous le chaos quand il subit le destin des autres. De là procèdent les utopies où se combinent l'épanouissement de la raison critique et un ordre social apte à harmoniser sans douleur les initiatives et aspirations de chacun avec des fins universelles dont le caractère immuable présenterait un gage de reposante sécurité pour tous. Le XVIe siècle a Thomas Morus et son île rationnelle ; le XIXe, au lendemain de la Révolution française, a Saint-Simon et son école, y compris Auguste Comte. A la société considér~e comme un rassemblement tumultueux d'individus dont les activités se contredisent souvent, Saint-Simon oppose la société comme « Être collectif » où le Moi social règnerait seul. A l'état « critique » de la première, il oppose l'état « orgàruque » de la seconde, où « tous les faits de l'activité humaine sont classés, prévus, ordonnés par une théorie gé.:iérale » 10 • Retour à une société fermée dont l'organisation rationnelle se présenterait comme une sublin1ation humaine des instincts spécifiques des sociétés animales? Cette société n'aurait pas à connaître le scandale . prométhéen de ceux qui pensent et agissent avant les autres, mais seulement la présence de ceux qui pensent après ou ne pensent pas du tout et dont la << sagesse », bien adaptée à la « théorie générale», ne préserverait même pas les hommes des maux recélés par leur boîte de Pandore. Tout bouleversement crée un désir d'ordre et toute époque bouleversée suscite la nostalgie d'un lieu ou d'un temps où aurait disparu « le mouvement qui déplace les lignes ». Le socialisme du x1xe siècle, surtout dans la mesure où il fait appel à l'État, porte la marque de cette nostalgie provoquée par les mutations souvent cruelles des vieilles structures sociales. Du mytl1e passé de l'âge d'or au mythe futur de la << société sans classes », en y comprenant les grandes utopies antérieures au marxisme, se retrouve l'aspiration vers un état stable ou « organique )>, à l'abri des remous de l'histoire et de l'érosion du temps. Idéal d'une société fermée, même étendue aux dimensions de la terre, où institutions et coutumes trouveraient leur forme définitive et où les problèm~s, cessant d'être politiques selon Marx, ne seraient matière qu'à controverse académi:iue, à moins de disparaître aux yeux d'une humanité scl~rosée. SI LA SOCIÉTÉ fermée ne connaît pas de probl' me, inversement une société intégralement ouverte implique que tous les problèmes s'y posent avec plus ou moins d'acuité ou d'extension : elle aurait 10. Exposition de la Doctl'i11e, prcmi re i.éance

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