Le Contrat Social - anno I - n. 1 - marzo 1957

QUELQUES LIVRES de préciser par exemple la date (connue) à laquelle fut formulée la revendication socialiste des nationalisations (ENTREPRISESPUBLIQUES)d.,e dire comment est composée la F. N. O. S. S.., d'ajouter que l'expression fonds de salaire a trouvé un nouvel emploi dans l'économie soviétique., etc. Mais à aucun moment on ne sent qu'une main ferme a dirigé l'entreprise. L'ouvrage a été mal conçu., dans l'ensemble (il n'y a à peu ptès rien sur l'économie soviétique) comme dans le détail, et mal conduit.* L'analyse d'une page prise à peu près au hasard donnera une idée assez exacte de la qualité de ce dictionnaire. La page 588 contient cinq notices., de GRAUNT à GRÈVE. Sur les cinq., trois biographies. De GRAUNT, le lecteur., après consultation ignorera toujours état civil., naissance, mort., nationalité. GRESHAMest mieux partagé, encore qu'on aimerait savoir où et quand il a formulé sa loi sur la mauvaise monnaie qui chasse la bonne. Admettons que JEANGRAVEait ici sa place. Pourquoi en faire le fondateur de la Révolte, alors que ce journal n'est que la suite du Révolté fondé en Suisse par Kropotkine et Reclus ? On pouvait passer ce détail sous silence, sans que la valeur du livre en fût diminuée ; puisqu'on le donnait, il le fallait exact .., Passons à GREENBACKSP. ourquoi le pluriel? Le mot existe au singulier. Et pourquoi ne pas le traduire? Tout le monde sait assez d'anglais pour comprendre., mais ce n'est pas une raison suffisante pour se dispenser de ce travail facile. Le Larousse du XXe siècle ( qui est loin de la perfection) définit ainsi le mot : GREENBACK ( grin') n. m. (mot anglais signif. dos vert). Nom donné aux billets de certaines banques des ÉtatsUnis émis en 1862-1863, souvent de couleur verte, et qui donnèrent lieu à de nombreuses fraudes. Citons maintenant le « Romeuf » : GREENBACKS: Billets de banque des États-Unis, ainsi dénommés, à l'origine, en raison de leur couleur. Est-il besoin de commenter? La science économique est mieux servie par le Larousse que par M. Romeuf. Voici enfin le mot GRÈVE. Contrairement à l'habitude on trouve ici un essai d'étymologie. Mais il n'est pas heureux. Le mot vient du nom de la Place de Grève (dont on aurait pu préciser qu'elle se trouvait à Paris devant l'I-!ôtel * M. Romeuf avait déjà donné sa mesure en prêtant au I>Ouvoirsoviétique l'intention de " distribuer le pain gratuitement" (Cahiers de l'économie soviétique, n° 3, janv. 1946). Non content de propager une imposture, il révélait sa compétence d'économiste en admettant que le pain nécessaire à une société sans classes puisse être produit par du travail non 1>ayé. BibliotecaGino Bianco · ... 69 de Ville., la maison aux bourgeois) et de l'habitude qu'avaient de s'y rendre les ouvriers cherchant du travail. Mais l'expression originelle était « se mettre en grève » ou « aller en grève » et non cc faire grève»., comme l'écrit nqtre auteur. Il est faux d'autre part de dire que laîoi de 1864 faisait encore de la grève un délit, la considérant comme une atteinte au libre exercice de l'industrie et de la liberté du travail. Elle frappait seulement « quiconque à l'aide de violences, voies de faits ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu une cessation concertée de travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie et du travail ». Ce n'est pas la même chose. Les précisions sur la législation présente ne sont pas plus solides. L'auteur croit citer le texte de la loi du 11 février 1950 et il écrit : « La grève n'interrompt pas le contrat de travail». Mais on lit dans le Code : « La grève ne rompt pas le contrat de travail. » On est au bord du contresens. C'était une heureuse idée que de donner quelques statistiques sur les grèves. Mais pourquoi n'en pas indiquer la source (l'Inspection du travail), ne pas préciser selon quelles méthodes elles sont établies? Et nous ne dirons rien des fautes de français ( « Il fallut attendre 1884 pour que la grève ne soit plus ... »), ni de la ponctuation, qui tend vers le néant, ni des affirmations qui gagneraient à être plus modestes ou mieux pensées (« Le droit de grève est difficile à réglementer, puisqu'aussi bien [sic] toute réglementation est nécessairement restrictive. ») Un dernier mot. On trouve, page 598, une 11otice qu'il convient de citer : HOMO STATISTICUS: terme employé pour la première fois dans Le coût de la vie en France par Jean Romeuf par analogie avec l' Homo oeconomicus pour désigner l'être moyen utilisé par les statisticiens dans leurs travaux et qui correspond souvent plus à une réalité mathématique qu'à une vérité humaine. C'est le cas de dire : à l' œuvre, on connaît l'artisan ... Négligence? On voudrait connaître la date de l'ouvrage cité (d'autant plus qu'il s'agit d'une revendication de priorité). Prétention : on ne se met pas ainsi soi-même parmi les auteurs classiques. Ignorance enfin : M. Romeuf paraît ne pas savoir que l'adjectif oeconomicus est attesté en latin (Quint. VII, 10-11) et qu'il n'a pas été forgé à la manière de son cc statisticus », qui n'est qu'un barbarisme. C'est du latin de cuisine. M. Romeuf a apporté si peu de soins à son dictionnaire qu'il risque fort de se faire soupçonner de ne savoir pas beaucoup mieux la science économique que la langue de Cicéron. GÉRARD LAFERRE

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