4 l'expression. Simultanément, le progrès économique gonfle le groupe des revenus moyens, diminue celui des bas revenus, alors que celui des très gros revenus augmente à peine. Le nombre des familles ou des personnes seules gagnant moins de 1.000 dollars a diminué de 44 % entre 1941 et 1955. Celui des familles et personnes gagnant entre 1.000 et 2.000 a diminué de 29 %- La catégorie entre 2.000 et 3.000 a diminué de 8 %. Ea revanche, la tranche entre 3.000 et 4.000 a progressé de 53 %, celle entre 4.000 et 5.000 de 57 %, celle entre 5.000 et 7.500 de 96 %, celle entre 7.500 et 10.000 de 92 %, celle entre 10.000 et 15.000 de 103 %, celle entre 15.000 et 20.000 de 79 %, celle entre 20.000 et 25.000 de 80 %, celle au-dessus de 25.000 de 8 %- En Grande-Bretagne comme aux États-Unis, les grandes compagnies capitalistes paient au fisc ou utilisent en investissements une fraction considérable des profits bruts. L'impôt sur les tranches élevées des revenus privés est énorme; il équivaut presque à une expropriation. Dès lors, le niveau de vie des masses, dans les pays de civilisation industrielle développée, dépend désormais de l'expansion plus que des lois sociales ou fiscales. Il est logique que la discussion la plus ardente ait pour thème la méthode de croissance plutôt que le moyen de redistribuer les revenus. Admettons que la loi de Pareto reste valable (ce qui est possible). Accordons que la part des revenus les plus élevés demeure constante (ce qui est improbable : d'après toutes les statistiques, elle diminue*). En dehors de toute tendance à l'égalité, l'augmentation des revenus tend à rapprocher les conditions d'existence. A mesure que la productivité et le niveau de vie s'élèvent, les produits industriels deviennent accessibles à un nombre. croissant de consommateurs. Si le progrès économique continue encore quelques dizaines d'années à la même allure, on conçoit que l'immense majorité des Américains se nourrissent et se vêtissent de manière à peu près uniforme, qu'ils puissent tous acquérir l'automobile, le frigidaire, le poste de télévision, tenus désormais pour partie intégrante du budget-type. A partir du moment où les revenus les plus bas permettent de vivre décemment, le radicalisme ne sera plus nourri par l'indignation spontanée, la passion commune ; il ne manquera pas d'arguments, mais d'arguments inspirés par une hostilité de principe * Entre les deux guerres, 5 % des contribuables, ies plus riches, recevaient environ 30 % du total des revenus, en 1948, ils n'en reçoivent plus que 18 %. BibliotecaGino Bian_co LE CONTRAT SOCIAL à l'héritage, au profit, à la hiérarchie des salaires ou à l'inégalité en tant que telle. - . . Ni les oppositions théoriques, ni les oppositions politiques n'ont pour autant dispar~. On discute des mérites ou démérites respectifs des deux espèces d'inégalité, l'une qui ~, p~ur origin~ le profit, l'autre le traitement lie a ,_la,fo~~tion. On s'interroge sur la mesure d inegalite de traitement que l'on tiendra pour équitable, souhaitable, compatible avec la production • maximum. Le premier problème est classique. Les mêmes critiques, en France par exemple, qui vitupèrent les profits -capitalistes, déplorent que l'éventail des salaires soit exagérément refermé. On peut être logiquemènt à la fois hostile aux profits des entrepreneurs ou des spéculateurs, aux intérêts des fortunes héritées, et partisan d'élargir l'intervalle entre le salaire du manœuvre et celui de l'ingénieur. Il n'y en a pas moins, à cet égard, une nouveauté. Hier on dénonçait les profits parce qu'on les jugeait incompatibles avec le bien-être des masses; aujourd'hui on les dénonce parce que l'on condamne le régime de libre entreprise ou de marché. Certes, un régime de planification intégrale et de propriété, collective supprime les concentrations individuelles de fortunes ; il élimine les revenus proprement .capitalistes. Mais ni ces concentrations, ni ces sortes de revenus ne compromettent l'élévation du niveau de vie. A peine aggravent-ils l'inégalité économique que produit inévitablement la différenciation des tâches et des rétributions. Fortunes privées et revenus capitalistes ne sont plus une raison contraignante de condamner le capitalisme, encore que la condamnation du capitalisme entraîne celle des fortunes privées et des profits. Si l'on décide, pour d'autres inotifs, ·de maintenir, en certains secteurs, propriété individuelle et concurrence, on accepte du même coup l'inégalité des profits sans compromettre pour autant la condition de vie du grand nombre. Les radicaux, il est vrai, veulent réduire aussi les inégalités de traitements. Ils n'approuvent pas plus l'inégalité soviétique que l'inégalité américaine. Dans un régime mixte comme celui de la Grande-Bretagne, la hiérarchie des traitements est fixée par le secteur privé. Le secteur nationalisé doit effectivement payer des traitements comparables à ceux des sociétés capitalistes. Le prélèvement fiscal ne peut guère être poussé plus loin. · Faut-il, pour que l'écart entre manœuvre et directeur ne soit plus que de 1 à 5, nationaliser toute l'économie? Est-il même certain qu'une économie entièrement collective demeurerait conforme aux vœux des radicaux ?
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