Le Contrat Social - anno I - n. 1 - marzo 1957

56 de cette différenciation, puis du rôle du médecin dans la société soviétique. Distinction de classe dans les soins médicaux A la base, il y a deux types de «réseaux» médicaux : le réseau général et le réseau fermé ou exclusif. Le premier relève du ministère de la Santé ou des organisations industrielles (sous le contrôle du Ministère) et sa fonction consiste à dispenser la « médecine socialisée» à la masse des citoyens soviétiques ordinaires. Les services médicaux du réseau général sont d'un niveau inférieur à ceux du réseau fermé, notamment dans les régions rurales et les kolkhozes. Le système fermé se divise en deux classes. La première dessert exclusivement le personnel de certaines administrations. Il y a par exemple des réseaux médicaux réservés respectivement au personnel de l'armée et de la marine, au personnel subalterne du ministère des Affaires étrangères et aux tra·vailleurs des chemins de fer. Ces organisations possèdent leurs propres hôpitaux, polycliniques et maisons de repos. Dans les grandes villes, la différence entre ces services et ceux qu'offre le réseau général peut être légère. Cependant, dans les petites villes et dans les régions rurales, les installations d'une clinique « fermée » de ce type sont sans doute sensiblement supérieures à celles qui sont accessibles au public ordinaire. La seconde classe du réseau fermé, sur laquelle on est le moins informé, comprend les services médicaux strictement réservés aux hauts fonctionnaires du Parti, du gouvernement et de l'administration. Lorsqu'un citoyen soviétique parle d'une « polyclinique fermée » ( zakrytaïa poliklinika)., il entend d'habitude une clinique réservée aux «bonzes». Dans cette catégorie à son tour, il y a toute une gamme en fonction du rang, allant jusqu'au sommet de la pyramide officielle. 9 Même dans l'enceinte du Kremlin, les soins médicaux et l'hospitalisation se divisent en catégories bien définies ; plus le rang du malade est élevé, meilleurs sont bien entendu les soins et plus d'attention individuelle il reçoit de la part des médecins. A ce niveau, la qualité des soins médicaux est comparable à ce qui se fait de mieux en Occident. 10 Au-dessous du réseau de polycliniques et de maisons de repos réservées au Kremlin, il y a, dans chacune des principales villes, des établissements fermés destinés à l'élite locale du Parti et du gouvernement. Dans les localités où le nombre de hauts fonctionnaires ne justifie pas un bâtiment spécial, une partie des services médicaux 9. David J. Dallin, The New Sovz·et Empire, New Haven, Yale University Press, 1950, p. 138; voir également R. Tr~bo, « The Health Resorts of the Caucasus » [Les stations climatiques du Caucase], Caucasian Review, no. 1 (1955), pp. 100-111. 10. Ibid. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL existants peut leur être réservée. Là, tout est meilleur que dans le service « ordinaire », depuis les médecins jusqu'au personnel auxiliaire, l'ameublement et · la nourriture. Les soins médicaux dans le réseau fermé sont également fournis par l'État sans frais pour le malade. Rémunération et prestige du médecin Généralement parlant, la situation et le prestige de la profession médicale sont quelque peu inférieurs à ceux de la plupart des autres professions libérales. Le héros soviétique n'est pas celui qui guérit, mais celui qui construit des machines pour l'industrie ou qui lutte pour la cause. Et en même temps les avantages financiers que peuvent obtenir les médecins ne soutiennent pas la comparaison (sauf certaines exceptions) avec ceux des fonctionnaires ou des ouvriers d'industrie qualifiés. Les conditions de vie et de travail du médecin soviétique moyen ont été étudiées dans deux articles publiés il y a trois ans dans· la Literatournaïa Gazeta., organe de l'Association des écrivains soviétiques. Les articles citaient les griefs d'une femme médecin nommée Kremneva concernant le niveau des rémunérations des médecins : ... Au moment où il termine ses études, le médecin touche 600 roubles par mois et, après dix ans de pratique, 800. Et cela sans tenir compte de l'expérience qu'il a eue ... Est-ce juste? Je pense que c'est tout à fait injuste. Mais tout cela n'est-il pas connu du ministère de la Santé? ... de l'Association des travailleurs médicaux? Il est clair qu'ils considèrent comme « indélicat » (neprilitchno) ou, comme ils disent parfois, « inopportun » d'examiner ces questions épi11euses maintenant ... 11 Discuter les rémunérations n'est guère indélicat, poursuit le Dr Kremneva, puisque le niveau de vie d'un médecin affecte directement la qualité de son travail. Au cours d'un récent voyage en Union soviétique, l'auteur de ces lignes a été frappé par les bas salaires que reçoivent les médecins ordinaires par rapport aux salaires de ceux qu'ils soignent. Par exemple, pendant· une visite à l'usine électro-mécanique de I(harkov, on m'a dit que les ouvriers les plus qualifiés gagnaient à peu près 2.000 roubles par mois. Or le médecin du zdravpounkt ( dispensaire) de l'usine a déclaré ne gagner que 900 roubles environ. Le salaire moyen du médecin serait de 750 à 800 roubles par mois. Le médecin est d'autre part relativement désavantagé, par rapport aux autres membres de l'intelligent~ia., pour se loger et se meubler. Par exemple les logements sont attribués d'abord aux fonctionnaires du Parti et autres, puis aux spécialistes techniciens et autres ; les médecins ne peuvent prétendre qu'à ce qui reste. 12 Cette 11. In « Les lecteurs continuent la discussion sur les heures et les minutes du médecin», Literatournaïa Gazeta, 18 juin 1953., p. 2. 12. Voir par exemple « Le m~decin de village », T_roud, 26 mars 1950; « Une affaire d'honneur pour le syndicat», Meditsinski Rabotnik, 22 juin 1952 ; « On néglige le médecin de campagne», Ibid., 22 mars 1955 ; « Les paroles et les actes»., Ibid., 17 juin 1955; « Le jeune spécialiste », Ibid., 1er juillet 1955.

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