SITUATION MÉDECIN SOVIÉTIQUE par Mark La médecine dite socialisée est présentée à la population de l'U. R. S. S. comme une brillante réalisation de plus du régime soviétique, une expression suprême de son « souci de l'individu>) (zabota o tchelovieké), possible seulement dans les conditions soviétiques. On fait grand cas de cette sollicitude à l'égard de l'humble citoyen. On la met souvent en contraste avec la prétendue indifférence envers l'homme moyen sous le régime tsariste et dans les sociétés capitalistes contemporaines où « le travailleur ne compte pas... où -i. seuls comptent les profits ... )> 1 • Sous le tsarisme, affirment les propagandistes soviétiques, les soins médicaux et les services du médecin n'étaient que pour les riches, les bien-nés et la bourgeoisie. En dehors de ce que faisaient pour eux quelques médecins bien intentionnés et quelques sociétés de bienfaisance, les ouvriers et les paysans ne recevaient pas de soins médicaux ni n'en avaient les moyens. 2 On a changé tout cela en Russie soviétique, assure-t-on. « Le gouvernement ne ménage pas l'argent pour protéger la santé de la population. » 3 Les faits confirment que, quantitativement, les services médicaux mis à la disposition de la population de l'Union soviétique se sont considérablement améliorés. 4 Le nombre de lits d'hôpital est 1. « Amélidrer constamment les soins médicaux donnés aux ouvriers », Troud, 5 juillet 1951. 2. M. N. Moukhanova, « Les assurances sociales les plus avancées du monde», Troud, 4 novembre 1949. 3. lzvestia, 26 août 1948. 4. Le présent article fait abstraction du niveau de la médecine soviétique, c'est-à-dire de la compétence professionnelle des médecins et des spécialistes. Nous en laissons le soin à ceux qui sont professionnellement qualifiés pour en juger. Ainsi, T. F. Fox, « Russia Revisited : Impressions of Soviet Medicine», The Lancet, 9 et 16 octobre 1954, pp. 748-753 et 803-807. Voir également le récit de voyage fait par le major Paul W. Schafer dans le New York Times, 28 août 1955, p. 16; et Michael B. Shimkin, The American Medical Mission on Microbiology and Epidemiology to the Soviet Union, février-mars 1956 (ronéotypé, dossiers de l'auteur). • BibliotecaGino Bianco G. Field passé de 176.000 en 1913 à 247.000 en 1928, 791.000 en 1940, 1.011.000 en 1950 et 1.290.000 à la fin de 1955. 5 Avant la Révolution, il y avait en Russie quelque 24.000 médecins; le chiffre officiel pour 1955 est de 334.000. 6 Sous le régime soviétique, l'expansion des institutions médicales s'est cependant accompagnée de la création d'un vaste appareil bureaucratique chargé de les administrer et de maintenir les médecins sous le contrôle de l'État. A son tour, cela a affecté l'organisation médicale, redéfini le rôle et la situation sociale du médecin et introduit dans les relations malade-médecin certains éléments extra-médicaux. Contrairement aux espérances suscitées par la propagande officielle, le malade soviétique se heurte, en se faisant soigner, à toutes sortes d'insuffisances et de lacunes, à l'inefficacité et à l'indifférence bureaucratiques, à des médecins qui se conduisent plutôt en policiers qu'en praticiens, à des services encombrés et souvent au manque des médicaments les plus courants. 7 Pareils défauts existent surtout dans les services médicaux ouverts au citoyen ordinaire. Les soins médicaux, comme les autres éléments du niveau de vie soviétique, varient selon la condition sociale et le rang officiel : plus ce dernier est élevé, meilleurs sont les services. 8 Le présent article traitera d'abord 5. L'économie de l'U. R. R. S. : Recueil statistique, Moscou, 1955, p. 244 (en russe). Ces chiffres ne comprennent pas les hôpitaux militaires. 6. lbi"d. (Médecins militaires non compris). 7. Le présent article est fondé sur des sources soviétiques officielles (telles que le Meditsinski Rabotnik, organe du ministère de la Santé), ainsi que sur de nombreuses entrevues avec d'anciens citoyens soviétiques, appartenant en particulier au corps médical, conduites sous les auspices du programme d'enquête sur le système social soviétique du Centre de recherches russes, Université Harvard, et sur les observations personnelles de l'auteur au cours d'un récent voyage en U. R. S. S. 8. Alex Inkeles, « Social Stratification and Mobility in the Soviet Union : 1940-1950 », Ameri·can Sociological Review no. 15 (août 1950), pp. 465-479; W. W. Kulski, « Les classes dans l'État sans classes », Problems of Communism, vol. 4 (janvier-février), pp. 20-28. •
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==