Le Contrat Social - anno I - n. 1 - marzo 1957

LA '' VOIE POLONAISE VERS LE SOCIALISME '' par L. Labedz Peu de déclarations de principe ont revêtu à notre époque une tendance traditionnaliste aussi marquée que celle que fit Gomulka à son entrée en fonctions à Varsovie:« Le seul principe intangible du socialisme est l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme.» Certes, l'agitation politique était alors à son comble en Pologne, mais la formule résumait bien une tendance du marxisme polonais qui se manifestait déjà depuis plus d'un an et qui semble devoir influer à la longue sur l'intelligentsia soviétique elle-même, quelles que soient les vicissitudes politiques qui attendent encore le mouvement polonais d'émancipation. Lorsque l'intellectuel communiste se prend à douter de tel_ou tel dogme, il tend souvent à remettre en question bien plus que les fondements politiques de sa foi. C'est ce qui s'est produit en Pologne, pays fortement conscient de son patrimoine européen, où au sentiment national exacerbé se mêlait l'écœurement inspiré par l'ordre établi, incarnation de la doctrine officielle. Un grand nombre des jeunes intellectuels formés par le Parti n'échapperont pas, sans doute, à une crise de conscience. Leur cas mis à part, il ne fait aucun doute qu'il ne suffit pas de parler d'un « titisme polonais >) pour rendre compte du phénomène. La «doctrine» de Tito a été inventée après coup, pour les besoins de la cause, par les dirigeants excommuniés ; c'est une idéologie sur mesure que les chefs yougoslaves n'ont cessé d'adapter aux nécessités de l'heure. En Pologne, au contraire, les « révisionnistes » furent à l' œuvre dès avant les événements, poussant souvent leur critique bien plus loin que Djilas lui-même, cet ancien Biblioteca Gino Bianco « titiste» désormais convaincu d'hérésie. Toutefois, ils se sont jusqu'ici abstenus de faire publiquement état, comme Djilas, de leurs réserves quant au monopole exercé par le Parti dans le domaine politique. A l'origine, le mouvement· polonais a pris l'aspect d'une protestation contre les restrictions imposées à la vie intellectuelle et, plus généra_- lement, contre l'ingérence excessive du Parti dans tous les domaines. Comme c'est souvent le cas dans les révoltes contre l'orthodoxie, on • • A se reportait aussi aux sources memes pour relever telles « erreurs d'interprétation» de la révélation et pour préconiser un « retour » aux _principes essentiels de la vraie foi. Mais les porte-parole les plus adroits de l'intelligentsia communiste ne se contentèrent pas d'un simple rappel de la tradition. Ils ne tardèrent pas à évoquer les ombres d'Édouard Bernstein et de Rosa Luxembourg, de Boukharine et de Trotski, allant même jusqù' à nommer plus d'une fois ces grandes figures du passé à peu près ignorées de la jeune génération. A ces sources furent puisées certaines des formules « révisionnistes » les plus hardies. Des tendances « titistes » propreme7,1t dites - d'origine syndicaliste aussi bien qu'austro-marxiste - se manifestèrent également. Enfin certaines interventions ne relevaient ni d'une catégorie ni de l'autre, frisant dangereusement l'incroyance aux prin- • A cipes memes. Bien que ce courant « révisionniste » se réclamât constamment de Marx et se présentât comme un « retour au léninisme » dans l'esprit néo-orthodoxe du XXe Congrès du P. C. de l'U. R. S. S., il allait bientôt dépasser les mesures

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