44 les frontières, est un cas sans précédent dans l'histoire européenne. Lor que le Conseil ouvrier central proclama le 9 écembre au matin une grève générale de 48 heures pour le 10 décembre à ~inuit, ~fin de protester contre la politique ant1-populaire et anti-ouvrière du gouvernement Kadar, les Soviétiques et leurs créatures ripostèrent par les n1éthodes classiques de répression : le 9 décembre la loi martiale fut proclamée et le mê~e jou~, les policiers firent le siège d~ Conseil ouvrier central et arrêtèrent environ 50 dirigeants. Troi membres des plus influents du, ~onseil ouvrier de Budapest, y compris son president Sandor Rasz, invités à négocier avec Kadar, furent arrêtés dès leur entrée au Parlem~~t~ com~e le colonel Maleter le ft1t par les Sovietiques a la veille du 4 noven1bre. En dé it de tout s ces mesures, la grève fut presque con1plète et même les communications avec le monde extérieur furent coupées pendant 36 heures. Une fois de plus fut ainsi démontrée l'incompatibilité foncière ~ntre les Conseils (soviets), organes représentatifs de la révolution ouvrière et le parti communiste, détenteur du pouvoi; total .. Chaque fois que la classe ouvrière a pu se fa.1re entendre dans une révolution, depuis 1905 en Russie jusqu'à l'automne dernier en Hongrie, elle a voulu l'indépendance de ses s?viets ainsi que ~a liberté d'opinion et d'oppositlon. Chaque f01s que le parti communiste a pu imposer son absolutisme, il a fait disparaître ces con~e~ls ouvriers (comme en Russie) ou les a prrves de tout droit d'opposition (comme en Yougoslavie titiste). ~nfin, la ligne de conduite des paysans hongrois est conforme aux traditions révolutionnaires qui remontent aux jacqueries ou guerres pays~nnes, en Allemagne. Pour le pa:ysan, la révoluuon_ n a d'autre but que lui donner la terre qu'il cul~ive et sur laquelle il vit. Autrefois, il se ruait sur les châteaux féodaux pour les incendier et partager les domaines ; sous le communisme il saccage les bureaux du Parti et s'approprie le~ terres et les machines que le régime lui a confisquées. Rien d'étonnant par conséquent que le ministre de l' Agriculture du gouvernement Kadar ait dû avouer le 24 novembre : Au cours des récents événements, des éléments en partie irresponsables et en partie hostiles ont enlevé des installations, des machines du bétail et _autres objets de propriété sociale des coopératives de production agricole, des M. T. S. [Sta~on~ de 1;acteurs et de machines] et des cooperatives d État... Le gouvernement révolutionnaire , des ouvriers et des paysans [Kadar] a ordonne aux organes de l'administration d'État Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL et aux forces de l'ordre public de prendre les mesures les plus énergiques contre toute action illégale ... et d'appliquer la loi dans toute sa rigueur contre ceux qui la violent. Selon ce ministre, environ 40 % des coopératives de production avaient cessé de fonctionner depuis « les récents événements ». En dehors de ces points communs avec les révolutions précédentes, l'expérience hongroise a révélé certains aspects entièrement originaux, qui entrent déjà dans l'histoire des révolutions. Elle a anéanti la légende selon laquelle les masses ne se lancent plus dans une révolution pour des objectifs politiques, comme autrefois. Les buts visés par tous les courants de la révol~tion hongroise étaient essentiellement politiques : élections libres, dénonciation du pacte de Varsovie, suppression du monopole du Parti, ind~p~ndance nationale, départ des troupes sov1etiques. Par son surgissement et son déroulement cette révolution a détruit une autre légende, celle-ci d'origine bolchévique, l'impossibilité d'une révolution spontanée. Lénine était parti en cruerre contre la théorie de la spontanéité des m:sses : depuis son fameux Que faire?~ en 1902, il ne c?mptait que sur les « révolutionnaires professionnels ». Pourtant en Hongrie la révolution éclata sous forme d'une irruption des masses dans la rue - phénomène également tenu pour dépassé par l'histoire et par la technique moderne. Devant ce fait inattendu, les potentats de Budapest firent preuve de la même incompréhension que les gouvernements du Tsar en Russie. Lorsque le 25 février ( 10 mars) 1917 le. peuple descendit dans les rues de Pétrograd, Nicolas II, de son quartier général, manda au général Khabalov, commandant la région militaire de la capitale : << J'ordonne de faire cesser ?ès de?1ai~ les désordres. » Trois jours plus tard, 11 abd1qua1t. Le 23 octobre dernier, devant les premiers attroupements des étudiants de Budapest, un membre du Comité central du Parti . , ' assis confortablement dans son bureau, déclara avec assurance : « Il suffit que je presse un bouton pour disperser cette foule. » Le lendemain cette foule occupait le siège du Comité central. Enfin, la révolution hongroise a fait justice d'un pseudo-argument répété inlassablement depuis dix ans, et qui se résume dans cette affirmation d'un haut fonctionnaire français, M. Sauvy : « Dans tel ou tel pays où le communisme s'est introduit par la violence, l'opinion . ' . ent1ere sera communiste dans une génération ;
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