Le Contrat Social - anno I - n. 1 - marzo 1957

RÉVOLUTION ET CONTRE-RÉVOLUTION EN HONGRIE par Branko Lazitch La révolution populaire d'octobre 1956 en Hongrie a été brisée par les armes de l'Union soviétique dès le mois suivant. En lançant ses blindés contre le pet1ple magyar à l'aube du 4 novembre, Moscou déclara qu'il fallait étouffer la contre-révolution. Cette affirmation a indigné l'Occident autant que l'agression elle-même. En réalité, elle n'avait rien de surprenant et s'inspirait parfaitement de la tradition bolchévique. L'Occident dut se rendre finalement à l'évidence que la notion de révolution revêt à Moscou un autre sens, de même que celles de ·paix et de démocratie. De Lénine à Kadar la conception de la révolution et de la contre-révolution a une logique qui lui est propre : la révolution est la prise et la conservation du pouvoir par le parti communiste ; la contre-révolution est toute tentative contraire, aucune distinction n'étant faite entre les for ces d'opposition. Lénine avait mené sa lutte non seulement contre les généraux Ioudénitch, Krasnov, Dénikine et Wrange!, champions du retour au passé, donc ouvertement contre-révolutionnaires, mais aussi contre les partis politiques hostiles à l'ancien régime au même titre; que Lénine. Le décret du 1er mars 1919, signé F. Dzerjinski, en disait plus long sur la conception bolchévique de la révolution et de la contre-révolution que toutes les études à prétentions marxistes sur la révolution d'Octobre : « La Commission extraordinaire panrusse pour combattre la contrerévolution déclare qu'elle ne fera aucune différence entre les gardes-blancs des troupes de Krasnov et les socialistes-révolutionnaires de gauche. Le châtiment de la Commission extraBibliotecaGino Bianco ordinaire atteindra avec la même vigueur les uns comme les autres.» Conformément à cette logique particulière, les bolchéviks sous Lénine, longtemps avant de le faire en Hongrie, ont supprimé chez eux les forces politiques suivantes, soi-disant contrerévolutionnaires : le gouvernement démocratique provisoire, l'Assemblée constituante en grande majorité socialiste, le parti socialisterévolutionnaire de gauche, membre du gouvernement de Lénine en 11ovembre 1917, la Commune de Cronstadt en 1921 et la Géorgie socialiste, envahie par l' Armée rouge également en 1921. Le programme de ces « contre-révo1 utionnaires », ceux de Cronstadt par exemple, était rigoureusement identique à celui de la Hongrie d'octobre 1956 : élections libres, liberté de la parole et de la presse pour tous les groupements socialistes, libération des prisonniers politiques, suppression du monopole du parti commuriste, droit des paysans à disposer du produit de leur travail. La vérité se résume ici à une constatation très simple : les maîtres de Kremlin n'ont le droit d'identifier leur politique à la révolution ni au nom de Marx, ni au nom de leur praxis. La révolution dont Marx a rêvé et parlé était une révolution sociale ; chez les bolchéviks elle a dégénéré en simple prise du pouvoir. Marx résumait en ces termes ses vues sur la révolution sociale : « A un certain stade de leur développement, les for ces productives de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété à l'intérieur desquels elles s'étaient

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