Pour .·• 1 1aPaix Démocratjque parl.aVictoire PAR Emile VANDERVELDE - BERGER-LEVRA UI,T, EDITEURS PARIS-NANCY (' OfiG'.:'>:Zione Alft'ed ) ,ewm Biblioteca Gino Bianco , 1
Emile Vandervelde est né le 25 janvier 1866. Il fut élu député de Charleroi le 14 octobre 1894 et opta.pour Bruxelles lors de l'application de la Repré-sentation proportionnelle. Au Congrès de Paris 1900, il fut élu président dit Bureau socialiste international. Le 4 a<YÛt 1914, il fitt nommé ministre d'Etat. A la Chambre belge, comme leader de la gauche socialiste, il prit part à tous les grands àébats, questions ouvrières, obligation, scolaire, réforme électorale, Congo, etc. Au Congrès international d'Amsterdam, il fut nommé rapporteur sur la question -de la participation des socialistes au pouvoir. La résolution · qu'il présenta avec Victor Adler fut repoussée et la motion proposée par les Allemands fut adoptée à 2 voix· de majorité, ce qui décida, jusqu'à ra guerre,de la politique d'oppo- $Îtion dit Parti Socialiste français. A Stuttgart et à Copenhague, Emile Vandervelde pfit une part trè.s active au.-. débats sur l'attitude des socialiste-s-en cas de giterrc. Avec J(JMrès, VaiUant, Keir Hardie, il tenta-vainement d'obtenir une déclaration précise et ferme. La .questian devait être dïscutée à nouveaii au. Congrès de Vienne de 1914, lorsque la guerre éclat,,:1,. Il fut clwisi, avec M. de Brouckère, comme délégué officiel du Parti ouvrie,· belge, aux réunions et congrès des socialistes des pays de l'Entente. Il .se rendit en Russie avec MM. de Brouclcère et de Man, au cours de l'année 1917, et fiit envoyé en.mission aux EtatsUnis en 1917, en Italie en 1918. Il est actuellement · •' ministre de l'Intendance civile et militaire. B1bl,o~ecaG o Bianco
POULRAPAIXDÉMOCRAT PARLAVICTOIRE 'L'hiver revient. Le cinquième hiver. Le dèrnicr sans doute. Aux champs de bataille de France, ·après six mois de mêlées furieuses, les soldats du kaiser ont perdu ce qu'ils avaient gagné, plus l'espérance. Leur moral est atteint. Leurs réserves fondent. La victoire est en vue. Mais elle n'est pas encore gagnée et une chose, une seule chose, pourràit encore la compromettre: c·est qu'au moment où cette longue épreuve touche à sa fin, les peuples n'en pouvant plus sentent le cœur leur manquer et, pour avoir la paix de suite, acceptent de hisser le drapeau blanc devant les dernières lignes allemandes et de laisser intacte, derrière elle, la néfaste puissance de l'empereur'allemand. Ce qui est en jeu : l'avenir de la démocratie. Certes, une paix de transaction ne sernit pas une paix à tout prix. ,,,, B1u11m~= v v ùtctnCO
- 4 -- Ce serait faire injure aux admirables soldats français, à leurs alliés de l'Yser, de la Somme et de la Marne, que de supposer qu'ils puissent jamais consentir à la paix sans que, tout au moins, la France retrouve ses limites, la Belgique son territoire. Mais la question, la vraie question, est tout autre. Il ne s'agi1Jpas de savoir si tel ou tel peuple sera, ou restera, maître d'une bande de ten·ain, il s'agit de décider ei tous les peuples deviendront maîtres d'eux-mêmes. Des millions d'hommes ne sont pas venus de tous les pays de la terre, pour aboutir, en fin de compte, au déplacement de quelques poteaux-frontières. S'ils se battent 1 en désespérés, sur le sol de la France, c'est pour une affaire de bien autre conséquence, une affaire qui nous intéresse tous tant que nous sommes, nous, nos enfants et les 1;znfants de nos enfants. Ce n'est pas seulement le sort de la France ou de la Belgique qui est en jeu. C'e,st l'arenir de la démocratie dans le monde. Or, cet avenir ne peut être assuré CP'e par la défaite complète des derniers empires milita.ires de l'Europe. Avec l'Allemagne militaire, gouvernée, dominée par le kaiser et la camarilla du kaiser, une paix de compromis serait la plus dangereuse des trêves, la plus redoutable des duperies. Il faut que les tmvailleurs d'Allemagne, qui souhaitent la paix _comme nous, arrivent à le comprendre. Il faut, surtout, que les travailleurs des pays alliés se pénètrent de cette vérité simple, mais essentielle : si la démocratie n'a pas la clairvoyance et la force d'âme de persévérer jusqu'à ce qu'elle soit complètement victorieuse; si eDe permet que, par une paix de lassitude, les Hohenzollern Bibl oteca G 'u Bianco
- ,à -- et leurs satellites échappent à leur destin, toutes les épreuves, tous les sacrifices, auront été inutiles ; dans dix ans, daus vingt ans, il faudra recommencer. La réponse des pacifistes. J'entends bien, au surplus, ce que l'on répond à pareil langage. Depuis Saint-Q1J_entin et Cambrai, l'Allemagne offi• cielle a perdu son arrogance. Gorgée de conquêtes à l'Est, elle voudrait les garder. Assaillie de périls à l'Ouest, elle voudrait les coÛ)urer. Aussi se fait-elle humble et conciliante. Elle proteste de ses désirs de paix. Elle reproche aux: autres de prolonger iimtilement la lutte. Ecoutez, par exemple, ce que disa,it, le 31 août dernier, aux étudiants catholiques d'Allemagne le chancelier de Hertling: « Nous n'avons d'autre désir que de déjendre nos fron- " tières et l'accès de la Patrie. Nous continuerons à repous- « se'r l'assaut formidable des _masses ennemies jusqu'à « ce que nos adversaires, voyant qu'ils ne peuvent nous « détruÏl'e, soient, de leur côté, prêts à une entente. Ce jour « viendra, et parce qu'il viendra, l'Europe ne doit pas se « ::;aigner. » De telles paroles, assurément, ne sauraient tromper personne : elles viennent de celui qui a fait le traité de Brest-Litovsk. ::\faisd'autres les reprennent, dont la bonne foi ne prête pas aux mêmes soupçons : des neutres, de,-, pacifistes et aussi - plus nombreux, naturellement, à mesure que la guerre f:.tl prolonge - Jes zimmervaldiens, les kienthalie...~J Bibl oteœ G o B1ane,o
-6- 'et, avec plus de mesure, nos camarades « minoritaires » d'Angleterre, de France ou d'Italie . . Ce qu'ils disent - en laissant de côté les nuances de pensée et d'expression - peut en somme se résumei· ainsi: « Il y a cinq ans - cinq siècles - que cette guerre dure. Des millions d'hommes sont morts. D'autres millions sont mutilés, sont invalides, ou meurent de faim- dans des camps de prisonniers. La misère universelle grandit. Les ressources s'épuisent. Les cadavres s'entassent. Et l'on n'est pas plus. avancé qu'aux premiers jours. Les forces en présence sont telles que, ni d'un côté ni de l'autre, on n'est en mesure de vaincre. Pourquoi, dès lors,- continuer cette lutte sans issue ? Pourquoi creuser plu8 encore le fossé sanglant qui sépare le monde en deux camps ennemis ? Pourquoi, par-dessus la tête de leurs gouvernements, les travailleurs de tous les pays ne s'entendraient-ils pas pour faire la seule paix qui soit conforme à leurs. intérêts véritables, la pab: dont la Révolution russe a donné ·la formule : sans annexions, ni indemnités punitives, avec droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? )> Pou1·quoi les peuples ne s'entendraient-ils pas? Oui, pourquoi les peuples ne s'entendraient-ils pas ? Mais s'entendront-ils ? Nul ne le souhaite plus que nous, et j'ose le dire, nul n'a plus fait, n'a autant fait, que les socialistes des grandes démQcraties occidentales, - avant la guerre et pendant la guerre, pour réa)iser cette entente. Je vois encore Vaillant et Keir Hardie proposant à Copenhague e~ à Londres la grève générale des prolétaires Brbhcteca G o Bianco
'-7pour faire échec à la guerre : Ics socialistes austro-aUemands votèrent contre. J'entends, l'avant-veille du jour où il fut assassiné, Jaurès disculpant la France de toute pensée d'agression et faisant un suprême appel à l'union des peuples contre les gouvernements de proie. Comment lui répondit-on en Allemagne '/ Par le vote des crédits militaires. Et, depuis, que de fois -et fa dernière fois à Londres - n'avons-nous pas jeté, par-dessus les lignes, le cri d'appel des démocraties à tous les travailleurs, sans distinction do nationalité. Quelques-uns ont répondu. Ils se nomment Liebknecht ou Rosa Luxembourg, Bernstein ou Kautsky, ils sont prisonniers ou persécutés ! Saluons leur vaillance. Mais les autres '/ Vit-on jamais classe ouvrièro plus respectueuse de ses maîtres, plus disciplinée dans l'obéissance passive, que la classe ouvrière allemande'/ On viole la neutralité belge : elle se bat pour le kaiser. On brûle Louvain, on bombarde Reims, on met à sac Dinant ou Senlis : elle se bat pour le kaiser. On déporte par milliers les travailleurs de nos régions occupées : elle se bat pour le kaiser. On décime les socialistes de Finlande, on suscite contre la Révolution russe le particularisme réactionnaire des barons baltes et des propriétaires ukrainiens : elle se bat pour le kaiser. On fait à la démocratie internationale ce suprême affront de tourner ses principes da paix en dérision par le traité de Brest-Litovsk : elle se bat pour le k:i.iser. On organise contre la France républicaine la formidable ruée de toutes les forces de l'empire ' elle se bat pour le kaiser. 81bhoteca Gino Bianco
-8Se ressaisira-t-elle un jour ? Se révolt.era-t-elle contre ses mauvais· bergers, 1 De l'excès même des souffrances d'un peuple aveuglé jusqu'ici naîtr~-t-il une autre Allemagne, une nouvelle Allemagne, une Allemagne démocratique, à laquelle les autres peuples pourront faire place - dans la Société des Nations 1 Je le souhaite. Je l'espère. Je veux le croire. Mais a.-t,.. elle réagi cont:i;el'écrasement des Russes et des Roumains à Brest-Litovsk et à Bucarest 1 · Mais, de grâce, ne nous faisons pas d'illusions. Toùt fait prévoir qu'une fois de plus, comme à Sedan, comme à Moukden, l'accoucheuse du Droit sera une force extérieure. Livrée à ses propres forces, la démocratie allemande serait impuissante, c'est la victoire defà autres démocraties sur le militarisme et l'empire, qui fera naitre ou aide.ra à naître le régime démocratique en Allemagne. Mais, dira-t-on La victoire complète est-elle possible ? Four répondre à cette question, je ne ferai pas des supputations d'effectifs. Je ne montrerai pas, une fois de plus, l'immense supériorité des Alliés en ressources de· tous gemes. Je n'évoquerai même pas le spectacle prodigieux d'un peuple de cent millions d'hommes, envoyant toute sa jeunesse par delà les mers pour donner le coup de grâce à ce qui reste d'autocratie dans le monde. Je di.rai simplement ceci : la victoire est possible parce qu'elle est nécessaire, parce qu'elle est indispensable. Et pour l'établir, contre les neutres, contre les pacifistes, contre ceux, pa.rmi les socfa.listes, qui se résigneraient
-0à une paix blanche, - a.lors·qu'ils devraient voulofr une paix rouge - je veux invoquer le t-émoignage de j;rois hommes· et de trois pays : Albert Jer et la Belgique; le président Wilson et l'Amérique ; Kerensky et la Russie. Albert 1er, le plus neutre des neutres; Wilson, le plus pacifiste des pacifistes; Kerensky, ce chef d'État de quelques mois, de quelques jours, qui, l'an dernier, nous appelait à Stockholm, au nom de la Révolut-ion russe en détresse. Ce qu'en pense le roi Albert. S'il est un homl¼leau monde qui devrait souhaiter que la.guerre finisse, c'est le roi Albert. · li n'y est entré que par force et par devoir. II doit, pour continuer la lutte, fafre de son cœur une pierre, de sa volonté une barre d'acier. La Belgique occupée agonise de faim. L 1lll'mée belge, enlisée dans les boues de l'Yser, est restée quatre ans coupée de t-0ut conta-0t avec ses foyers, ses parents, ses amis. ' Il persiste cependant et son peuple avec lui. Pourquoi? Par fidélité à ses eugagements internationaux, certes - car les traités ne sont pas des chiffons de papier pour tout le monde - mais aussi parce que les Belges savent ce que serait pour eux la paix du kaiser. Supposons, en effet, que demain on signe une paix qui laisse intact le pouvoir des Hohenzollern. L'indépendance de la Belgique serait proclamée, c'est entendu. Ses frontières lui seraient rendues. Peut-être même, consentirait-on à ce que ]'Allemagne n'y laisse pas B1bhot~l d u :> Bianco
- 10 - de garnisons, ne garde pas la main sur ses chemins de fer, ne· l'tnglobe pas 'dans son Zollverein. Mais, à cinquante kilomètres de Liége, l'ennemi d'hier resterait en armes, fort ·de son impunité, prêt à recommencer dès la première occasion favorable. Dans ces conditions, qui donc en Belgique pourrait · dormir tranquille, avec la perspective - à chaque conflit international - d'être éveillé par le pas des uhlans î En vérité, contre la menace allemande, il n'y a qu'une protection possible : c'est que l'Allemagne cesse d'être une menace, par la victoire de la démocratie, à l'intérieur s'il se peut, à foxtérieur s'il le faut ! Pour que la Belgique soit vraimen\ libre, il faut une Europe libre et c'est pourquoi sa cause se confond avec celle de tous les autres peuples qui combattent pour la liberté. Certains neutres seront tentés peut-être de lui donner le conse;J -i.'en finir. Ce n'est pas seulement dans son intérêt propre, c'est dans l'intérêt même de ces neutres qu'elle agit en tenant bon. Ce que dit le président Wilson. Après les neutres, les pacifistes.. , Après le roi Albert et les Belges, le président Wilson et les Américains. Il y a quelques mois encoœ, les États-Unis étaient le type de la démocratie pacifique et désarmée : quatrevingt mille soldats pour cent millions d?hommes. Leur président déclarait cc être trop fier pour se battre ,,. Il proposait comme un idéal aux deux groupes de belliB1bhotec.:G1 o B1ani;o
-11gérants « une paix sans victoire,,. Malgré la Belgique, malgré le Lv.sitania, il se forçait à, paraître impassible et multipliait ses efforts pour apporter au monde le bienfait d'une paix de conciliation, respectueuse du droit de tous. Son programme a-t-il changé 1 D'aucune manière. Ce qu'il voulait hier, il le veut encore aujourd'hui. Mais dans son esprit, un changement s'est fait, essentiel : lentement, progressivement, à mesure que se succédaient les crimes du kaiser, il a acqui$ cette conviction inébran• lable que le seul moyen de réaliser la paix, la juste pau qu'il réclame, c'éta,it d'engager son pays dans la, guerre, de mettre au service de la démocratie mondiale les forces incalculables de la plus grande des Républiques. Il a fallu trois ans pour que mûrisse cette pensée qui devait changer ln, face du mont~". Mais le jom où, par un suprême attentat contre la civilisation, les Allemands déclaraient à tous, aux neutres comme aux belligérants, la guerre sous-marine sans merci, ce dernier acte fit déborder la coupe; le 2 avril 1917, avec la calme gravité des décisions irrévocables, le pJus grand, le plus illustre des pacifiste8 dP<'lam. en ces termes, la guerre à l'Allemagne : « C'est une chose terrible que <le conduire un grand « peuple pacifi.que à la, guerre, à la plus effrayante et la 11 plus désastreuse des guerres, à cette guerre dont la civi- « lisation même semble être l'enjeu. Mais le droit est « plus précieux que la paix et nous combattons pour les « biens qui ont toujours été les plus chers à nos cœurs « - pour la démocratie, pour le droit de ceux qui courbés « sous l'autorit6, doivent enfin avoir...voix dans la conduite « du Gouvernement, pour le droit et la, liberté des petites 81bllc. teca l.:lino Bian o
-J:2- <c nations, pour que le règne universel du droit, fondé sur « l'accord des peuples libres, assure la paix et la sécurité « à toutes les nations et rende le monde lui-même enfin libre.>> Voilà pourquoi, depuis des mois, avec l'impressionnante régularité d'un mouvement d'horloge, des milliers d'hommes déba~·quent chaque matin sur le sol de France, pour prep.dre part à cette croisade de la liberté. Ce n'est pas une armée nationale. C'est une armée internationale. On y trouve, ùnis dans le même vouloir, des hommes appartenant par leur origine à toutes lès nationalités européennes ; des Allemands, des Magyars, des Tchéco-Slaves, comme des Italiens, des Anglais ou des Irlandais. Ils n'ont dans cette guerre aucun intérêt national. lis ne poursuivent aucun· but de conquête, ni pout eux, ni pour les autres. Ils donnent a.u monde le specœ.de sublime d'une croisade désintére;;:"'ée. Comment dès lors ne les écoutera,it-on pas quand· ils disent que cette guerre ne saurait finir, sans que, de gré ou de foi:ce, l' Allemagae, elle aussi, devienne une démocri;i,tie,respectueuse du droit de tous. Comment les travailleurs de tous les pays n'entendraientils pas la grande voix du président Wilson, disant aux ouvriers des États-Unis - le Labour Day - : <c Ceci est une- guerre dont le but est de garantir k-, <c nations et les peuples du monde entier contre toute pui,;- « sance telle que l'autocratie allemande. C'est une gueno « d'émancipation et, tant qu'elle ne sera pas gagnée, le,; <c hommes ne pourront nulle part vivre sans crainte et << respirer librement en accomplissant leur besogne quoti- << dienne et se dire que leurs gouvemements sont leurs « serviteurs et non leurs maîtres. ,> Bien plus rncore que les Américain:,, les travaillet:n 81bhoteca G, o 81dnco
-13d'Europe doivent méditer ces émouvan_tes et décisiveJ paroles. C'est à eux surtout, qui n'ont pas un océan pour· les protéger contre la barbarie militariste allemande, que cette conclusion s'impose : il faut que la guerre dure encore, pour avoir une juste paix, car c'est seulement une juste paix qui empêchera que la guerre ne recommence. Souvenez-vous de Brest-Litovsk ! Et maintenant pour finir, je m'adresse aux socialistes, et je leur dis ces seuls mots: « Souvenez-vous de Brest-Litovsk. » Quand nous arrivâme,~ à Pétrograd, l'an dernier, Ke1•ensky venait de charger sur ses épaules l'écrasant fardeau du pouvoir. 11 nous adjurait d'aller à Stockh-0lm. Il voulait croi.l.'e à la social-démocratie allemande. Il caressait ce noble rêve de voÎl' la Révolution russe faire le tour du monde, apportant à tous, avec le con~oml de tous, la paix des peuples, la paix démocratique. Mais, à l'encontre de tant d'autres, il se refusait, en attendant, à jeter bas les armes. Il faisait un effort admirable - auquel l'avenir rendi·a justice, - pour galvaniser l'armée russe, pour retarder sa décomposition. Cet effort échoua et ce fut la débâcle. Le Gouvernement provisoire tomba. Les troupes se débandèrent. Lénine et ~rotzky fondèrent tme ombre..de pouvoir, sur les ruines du pays. Les Allemands, vainqueurs sans combattre, marchèrent sur Kieff, Slll' Pétrograd et ce fut la paix de Brest, la paix telle que les bolcheviks l'avaient voulue, telle que les paP.germanistes l'avaient Bibl cteca G 10 E:hanLo
' ' ,l.i,;: promise : la pai-x sans indemnités, ni annexions, avec droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La paix sans indemnités. Demandez ce qu'en pensent les paysans de l'Ukraine dont on prend le blé et les terres ; les Roumains, dont ou prend le pétrole. La paix sans a1mexions ; le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Songez à la Finlande, à. la Pologne, aux Prnvinccs Baltiques, à la Russie même ! · Et si vous doutez encore que pour rétablir en Europe un ordre véritable, pour sauver ia Révolution russe, aussi bien que pour déli':l'er la Belgique et la France, fonder le droit des peuples, créer la Société des Nations, il est indispensable que la victoire soit complète, demandez a Kerensky ce qu'il en pense : c:i n'est pas à Stockholm qu'il nous appelle; c'est à .A.rkhangelet à Vladivostok! . On dit qu!à la veille de Brest-Litovsk, Lénine aurait eu ce mot terrible•: - _ « Le peuple russe .a un tel besoin de paix qu'il est prêt cc· à tout, fût-cc à se laisser enfermer dans une étable pour ccavoir un moment de répit. >> Or..,ce répit, il n'a pas pu l'obtenir. Il n'est ni en paix, ni en guerre, mais il connaît toutes les hontes d'une pai:x de capitulation, en même temps que tous les maux do la guerre extérieure, aggravée de la guerre civile. Et c'est pourquoi dans cette :Russie même, qui a plus que tout s,utre peuple souffert de la guerre, qui l'a commencée sous le knout du tsar, qui l'a subie encore sous les mitrailleuses des bolcheviks, et qui, ruinée, affamée, saignée aux quatre veines, était « prête à tout » pour que 8tOIU.,,t::l U1 (J LJ a, 11,,V
-15la guerre finisse, ils sont toujours plus nombreux ceux qui, avec Kerensky, avec Bourtseff, avec les socialistes révolutionnaires, demandent que la guerre continue, jmiqu'à ce que la démocratie triomphe. Le dernier livre de Jaurès. Je conclus par le rappel d'un. illustre souvenir. En 1910, au moment d'Agadir, Jaurès acheva d'écrire le premier volume du grand ouvrage qu'il. avait conçu, sous ce titre- général : L'organisation socialisw <le la France. Av&rit d'expliquer comment il concevait 13::s-ociété de l'avenir, avant de proposer les réformes profondes qui devaient préparer la transformation, il voulait que la France fut mise à l'abri de toute agression. Et, dès la première page de son livre, il posait la question en ces termes·: cc Comment porter au ·plu.s haut, p0U1' la France et pour le monde incertain dmit elle est enveloppée, les chances de paix 1 Et si, malgré ses efforts et sa ~otonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus n.aut-les chances de salut, les moyens de victoire. » ' Jaurès a pay~ de sa vie son apostolat héroïque pommaintenir la paix quand même. . Ceux-là seuls seront fidèles à sa mémoire qui, dans la résistance à l'agression impérialiste et dans. leur volonté de n'obtenir qu'une pa.ix intégrale et victoneuse, porteront au plus haut les chances de salut, les moyens de victoire de la démocratie, 81bhoteca G "'O Bianco
PRINCIPAUX OUVRAGES DE VA.1.~DERVELDE ,,. • ,, \ ,1 • L'EVOLUTION REGRESSIVE EN BIOLOGIE E'.l.' EN SOCIOLOGIE (1879), l. vol. (Alcan) (en collaborr,tion avec MM. :M:assart et Demoor). ENQUÊTE SUR LES ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES D'ARTISANS E'f D'OUVRIERS:&~ BELGIQUE (1892) LE SOCIALISME EN BELGIQUE (en collaboration avec Jules Destréc) (1902). LE COLLECTIVISME ET L'ÉVOLUTION INDUSTRJELLE (1902). ( L'EXODE RBRAL ET LE lŒTOUR AUX CHA.Ml'$ (!903}. ESSAIS SOCIALISTES (1905) (Alcan). LA BELGIQUE OUVRIÈRE (1906). · , LA BELGIQTJE ET LE CONGO (1911) l v_ol.(Aîca.n). LA COOPÉRATION NEUTRE ET LA. COOPÉRATÎON 1SOCLI.- I.ISTE (1913) 1 vol. (Alcan). LA BELGIQUE ENVAHIE ET LÊ SOCIALISME INTERNATIONAL (_1917). TROIS ASPECTS DE LA RÉVOLUTIO~~ RUSSE (1917) (Berger-Levrault ). LE SOCIALISME CONTRE L'ÉTAT (1~18) (Berger-Levrault). j I
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